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PREMIER BILAN DE LA POLÉMIQUE
 

Comme toujours, tout le monde s'est rué pour commenter "l'affaire" à chaud (voir l'info-instantanée , que je suis plutôt contente d'avoir écrit le 13 septembre, soit AVANT l'explosion).
Sans aucun recul, donc.
Il s'en est suivi un déferlement médiatique inimaginable , une avalanche de commentaires qui, avec le temps, risquent de s'avérer sans aucun intérêt -en particulier ces ralliements de dernière minute d'intellectuels (c'est ainsi qu'ils se font appeler) de tous bords, y compris musulmans, dont les motivations sont rien moins que sincères, et qui commencent à lasser!
Comme toujours, on a agité la surface, et remué l'écume. La seule chose qui restera définitivement d'actualité, ce sont les propos du Saint-Père -justement parce qu'ils ne s'inscrivent pas dans cette actualité. Car son discours, pour qui avait un peu lu les livres du Cardinal Ratzinger (et après tout, n'est-ce pas le travail des "vaticanistes"?) n'avait rien d'une nouveauté.
Il en ressort de grandes idées (la distinction entre le Dieu qu'adorent les musulmans et le Dieu des Chrétiens, dont nul ne peut ignorer les différences, et les propos du pape n'y changent rien, le fait qu'il est "déraisonnable" , c.a.d contraire à la raison, de prétendre agir par la violence au nom de Dieu, la profonde influence de la raison grecque sur le christianisme -ce qui nous renvoie à l'identité européenne-, puis la déshellénisation de ce même Christianisme, l'impossibilité d'établir un dialogue entre les cultures et les religions dans notre monde occidental privé de toute référence au divin -et ceci nous ramène au laïcisme qu'il ne cesse de dénoncer), amplement développées oralement et publiquement par lui depuis son élection, et même dès la messe d'inauguration du Pontificat (je ne parle pas ici des livres, qui sont l'oeuvre de Joseph Ratzinger, donc d'audience à priori plus confidentielle, et non du Pape)

Une semaine après les évènements, on peut donc commencer à réfléchir un peu plus sereinement au discours du Pape, et au bilan de la tempête, en tentant une synthèse de qui a été lu dans les medias, et de ce qui a été perçu par l'auteur de ces lignes.

On peut en particulier essayer de quantifier, en mettant dans la balance les points positifs et les points négatifs émergés de cette crise. Ce bilan sera forcémént réducteur, car trop linéaire pour rendre compte de l'interaction entre les deux "champs", les points négatifs pouvant à long terme devenir positifs (moins dans l'autre sens, selon moi). Et il n'est pas nécessairement lié directement au message du Saint-Père, ce qui est regrettable, sans doute. Mais il permet de relativiser l'ampleur de la polémique


Les points positifs

Le plus important de tous, c'est que le Saint-Père a été entendu. Mieux, il a contraint les medias, non seulement à lever le black-out mis sur son discours depuis le début de son pontificat (voir ici et ici ), mais à lui accorder la première place de l'information pendant près d'une semaine (voir "la polémique et le plan de Dieu" et "Revue de presse des hebdos"). Médusés, sans doute, les gens ont pu découvrir, au minimum, un homme courageux et sincère, et qui "parle vrai". Je suis persuadée qu'il aura beaucoup contribué à faire évoluer les mentalités, même si ce n'est pas toujours pour les bonnes raisons. J'ai vu et entendu beaucoup de réactions en ce sens.
Dans le même ordre d'idées, le Saint-Père s'est définivement imposé sur la scène mondiale. La page du Pape de transition, du clone insignifiant de Jean-Paul II, est tournée, et désormais, beaucoup pensent (ou savent) qu'il faudra compter avec sa forte parole.
L'Islam a été non pas montré du doigt, encore moins calomnié et humilié par lui, comme font semblant de le croire les musulmans, et leurs relais médiatiques, mais "mis en face de ses responsabilités": s'il souhaite nouer le dialogue, comme il le prétend, il faudra bien qu'il assume cette frange extrêmiste dont on se donne tant de mal pour nous persuader qu'elle est ultra-minoritaire (mais ce sont toujours les minorités qui font les révolutions et finissent par mettre le monde à feu et à sang, comme l'histoire l'a abondamment prouvé) et en contradiction avec "le message de paix et d'amour" du prophète!!! En réalité, et la simple vie de tous les jours nous permet d'en faire l'expérience (imaginons un couple...), qu'est-ce qu'un dialogue qui serait bâti sur le mensonge, une des parties imposant son point de vue par le chantage et la terreur à l'autre, qui passerait son temps à aquiescer et à se soumettre au prétexte d'éviter la rupture? Et le syncrétime religieux est à l'opposé de sa conception du dialogue entre les religions, comme il l'a encore rappelé récemment, à l’occasion du vingtième anniversaire de la Rencontre interreligieuse de prière pour la paix d'Assise, citant les propos de Jean-Paul II : « Le fait que nous soyons venus ici n’implique aucune intention de rechercher un consensus religieux entre nous, ni de négocier nos convictions de foi. Il ne signifie pas non plus que les religions peuvent se réconcilier sur le plan d’un engagement commun dans un projet terrestre qui les dépasserait toutes. Et il n’est pas davantage une concession au relativisme des croyances religieuses… »
Et évidemment, l'Islam a confirmé dans les faits, et de la façon la plus éclatante, non pas seulement les propos que le Saint-Père a prononcés, mais ceux qu'on lui a faussement attibués: l'Islam a montré son vrai visage, oui, "la violence est consubstantielle à l'Islam", chacun a pu le constater de visu.



Les points négatifs

En France, au moins, le Saint-Père a pu compter ses amis, et ils sont peu nombreux. Tant parmi le clergé, scandaleusement silencieux, voire hostile ( voir réaction des évêques de France et le site ESM ) , que dans la classe politique qui, à de rares exceptions près, au mieux s'est tue, et au pire a tenu des propos d'une lâcheté lamentable. A titre d'échantillon, voici ce qu'a déclaré François Bayrou, en qui beaucoup de gens de bonne foi s'entêtent à voir un catholique fervent, et qui n'est qu'un des plus pitoyables avatars de la pensée tiède : "...il y a deux phrases dans son intervention, l'une qui est, je comprends très bien, offensante pour les croyants musulmans, et une phrase qui est, me semble-t-il, juste sur le fond, qui est de dire que la violence ne doit pas être mise au service de la religion ... Il me semble que quelque chose s'est réveillé à la surface de la planète, de l'ordre"des guerres de religion . Ceci doit nous imposer à tous les responsables religieux et politiques, et à tous les citoyens, un très grand souci et une très grande rigueur. La religion c'est de la nitroglycérine. Et le propre de la nitroglycérine c'est qu'elle explose quand on la secoue, donc c'est un devoir pour nous d'y faire attention".
La vraie nitroglycérine, c'est la volonté délibérée de certains(?) d'utiliser ces frustres et hyper-violentes populations musulmanes fanatisées comme pitt-bulls. (voir ici un assemblage de photos très éloquentes: diaporama Flicker).
Les chrétiens vivant en terre d'Islam risquent de le payer de leur vie (cela a d'ailleurs déjà été le cas, avec le meurtre de Soeur Leonella, en Somalie). Et, à la veille du voyage du Saint-Père en Turquie, cette violence prête à exploser a de quoi terrifier ceux qui comme moi craignent pour sa sécurité, et même sa vie..
Les medias, au moins en France ont, une fois de plus, donné une démonstration de leur extraordinaire capacité de nuisance, et nul doute qu'ils récidivront à la première occasion. Il me paraît de plus en plus clair qu'ils ne souhaitent pas une relation apaisée entre ces communautés dont ils ont contribué à importer le modèle chez nous: ils souhaitent l'affrontement. Ils le souhaitent d'ailleurs partout où il est susceptible de se produire, quitte à le créer, même à le précéder, qu'on se souvienne des émeutes en banlieue de novembre 2005, et plus récemment, de la soi-disant "crise" du CPE. (mais leur insistance devient si visible qu'elle pourrait finir par lasser les gens)



 

Je conclurai en avouant que j'ai moi-même été victime de la désinformation, et je n'ai aucune excuse. J'ai d'abord supposé que le Saint-Père était accablé, écrasé par la polémique et la haine qui montait vers sa personne. Puis j'ai brièvement pensé que peut-être il avait fait une erreur, disons de 'communication'.
Après tout, il a le droit de se tromper "comme tout homme peut le faire", ainsi qu'il l'avait dit très simplement à ses compatriotes allemands à qui il réclamait leur indulgence.

Plus je réfléchis, plus je suis sûre du contraire.
D'abord, ayant été plus de 20 ans à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, il a l'habitude des orages, et leur oppose "la sérénité née de la prière et d'une profonde conviction intérieure".
Ensuite, il n'avait certes pas l'intention de blesser les musulmans "sincères", rien ne serait plus éloigné de son temparément doux et bienveillant, il voulait simplement forcer les autres à affronter les faits. Et les faits sont têtus, ce ne sont pas seulement le choc des "images" de foules haineuses et des "mots" de leurs chefs fanatisés, mais aussi et surtout les "actes" visibles de la barbarie.
Il faut donc au final lui dire merci pour son courage et sa lucidité.
Espérons que, lorsque le temps aura apaisé l'orage, c'est ce qui restera de cet épisode.

beatriceweb
24 septembre 2006



 

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